Chapitre 9 - La mondialisation, fonctionnement et territoires
La mondialisation est un processus d'ouverture des économies nationales sur un marché devenu
planétaire. Il est favorisé par l'interdépendance croissante entre les hommes et les économies par le biais de la circulation des informations, les migrations de populations, le développement des moyens de transports, la libéralisation des échanges.
En quoi la mondialisation transforme-t-elle l'espace mondial et les sociétés ?
Etude de cas : le téléphone portable un produit mondialisé - p.94-99
I- Un monde de plus en plus interdépendant dans lequel agissent plusieurs acteurs
A- Le processus de mondialisation
1°) Un processus ancien et exponentiel...
L'ancêtre de la mondialisation remonte au XVIème siècle avec les découvertes transatlantiques comme le continent américain par exemple. Au XIXè siècle, l'économie monde se met en place. La France et le Royaume-Unis associent industrialisation et colonisation, et étendent leur domination économique et technologique à l'ensemble des continents. Dans la première moitié du XXè siècle, les Etats-Unis accelèrent le mouvement en diffusant leur système économique partout dans le monde. New York devient le centre de la mondialisation financière en regroupant les plus gros capitaux et investissements du monde. La crise de 1929 fragilise le système mais ne le fait pas disparaitre. Après 1945, les Etats-Unis recommencent de plus belle, mais cette fois ci sans crise économique pour les stopper. Après la chute du communisme et du monde bilatéral, le système capitaliste se fait adopter de tous les pays. La Chine, grand pays communiste, adopte tout de même l'économie de marché. Le début du XXIème siècle oblige les plus grandes puissances à se confronter aux BRICS, puissances émergentes.
2°) ...fondé sur un affaiblissement des frontières et sur l'utilisation d'outils spécifiques
- La libéralisation de l'économie crée une globalisation de l'économie et entraine des flux financiers sans précédents alimentés par les nouvelles technologies et a pour conséquences des risques financiers importants (crise de 2008).
- L'Organisation mondiale du Commerce (OMC) accompagne cette évolution par des accords internationaux entre les Etats abaissant progressivement les tarifs douaniers, destinés à faciliter la circulation des marchandises et des services. Les déplacements de personnes sont également facilités par les progrès technologiques et par une démocratisation des transports. Avec Internet, l'accélération de la circulation de l'information rend l'entité « Monde » plus fonctionnelle : les échanges entre personnes, les flux d'informations, les commandes d'achat... circulent de plus en plus sur la Toile : on est passé de 500 millions d'internautes en 2000 à 2 milliards en 2011.
La division internationale du travail (DIT) évolue également : la chute des coûts de transports des matières premières comme des produits finis permet aux entreprises industrielles d'exploiter davantage les différentiels entre les pays (droit du travail, coût salarial...) notamment en opérant des délocalisations. Ces politiques transnationales sont rendues possibles depuis l'utilisation systématisée du conteneur, apparu dans les années 1960-1970. Transportés par des navires devenus géants, les conteneurs sont devenus l'outil et le symbole de la mondialisation des échanges.
3°) Un monde « glocal » engendrant une mondialisation culturelle complexe
De plus en plus de personnes à travers le monde ont accès à des réseaux d'information et de
communication communs ce qui provoque deux conséquences majeures, complémentaires et contradictoires :
- D'abord l'émergence d'une forme de culture commune, fondée sur l'interaction d'une intensité sans précédent entre les personnes, favorisée par les nouveaux outils (Internet et smartphones donnant accès aux réseaux sociaux, boites e-mails....). De nouveaux modes
d'expression apparaissent et lorsqu'il s'agit d'échanges internationaux, une nouvelle langue commune apparait : le globish. Alors que des individus, des communautés peuvent conserver, dans une certaine mesure, leur mode de vie, leurs traditions (le local), ils sont de plus en plus en contact avec le monde (le global) par ces différents outils d'information et de communication. En réaction, l'affirmation croissante des cultures régionales, voire des communautarismes identitaires, sont les signes d'une réticence à la mondialisation (tel le renforcement des identités régionales dans le cadre de l'UE ou encore l'explosion du fondamentalisme).
B- Les acteurs que la mondialisation favorise
1°) Les firmes transnationales (FTN), un rôle primordial
Les entreprises sont les principaux acteurs de l'économie mondiale. Plus de 60 000 d'entre elles,
présentes dans plusieurs Etats, sont des FTN (firmes transnationales), ainsi Microsoft ou Toyota. Celles qui sont présentes à l'échelle du monde sont dites globales, ainsi Coca Cola. La puissance des FMN est impressionnante : elles n'emploient que 4% de la main d'œuvre mondiale
mais assurent 75% de la production et un tiers des échanges. Le chiffre d'affaires de certaines est supérieur au PNB de nombreux Etats : par exemple, ExxonMobil produit davantage que le Pakistan et ses 140 millions d'habitants.
Les FTN ont des stratégies à l'échelle de la planète, n'hésitant pas à multiplier les alliances (US Steel et Nippon Kokan) et les fusions (Boeing et MacDonnel Douglas) et à délocaliser leurs usines (les maquiladoras au Mexique) dans un souci de compétitivité. Elles influencent le développement des Etats par leurs investissements et leur puissance de production. Elles sont donc un acteur puissant de la nouvelle géographie de la production, de l'intégration économique mondiale et de la domination des pays riches sur le reste du monde. Mais, à l'intérieur même des pays riches,
leur politique a un coût social : les délocalisations génèrent du chômage, semblent menacer les acquis sociaux et les écarts de richesses s'accentuent.
2°) Les réseaux illégaux et criminels
Le trafic illicite s'est également mondialisé à partir de bases nationales identifiées (mafias italiennes ou chinoises, cartels colombiens...) qui s'appuient sur des diasporas, fruits d'une mobilité internationale accrue. Des régions entières vivent, souvent au grand jour, de cette économie illégale, sous la coupe d'organisations criminelles, comme les plateaux andins (cocaïne), le Rif marocain (cannabis), l'Afghanistan et le « Triangle d'or » (Myanmar, Laos, Thaïlande) pour le pavot. Face à ces organisations, l'attitude des Etats varie notablement, entre répression et complicité, mais l'argent des trafics concourent à une corruption qui progresse.
C- Les acteurs qui composent avec la mondialisation
1°) Les Etats, un relatif effacement
Pendant longtemps, l'Etat a géré les hommes, les biens et les territoires dans un cadre national. La mondialisation amène les Etats à participer à des instances supranationales, régionales (UE, ALENA) ou mondiales (ONU, G 8) et à lever les obstacles au libre-échange par la création d'organismes régulateurs : le GATT, devenu l'OMC (Organisation mondiale du commerce) en 1995. En acceptant ainsi des transferts de souveraineté (UE), les Etats voient leur capacité d'intervention et leur rôle économique s'amoindrir.
Toutefois, le rôle des Etats reste important. A l'échelle nationale, ils essaient de créer un environnement favorable pour attirer les investissements, par exemple avec la création
de zones franches. D'autre part, ils conduisent les négociations politiques et économiques. Placés en situation de concurrence par la mondialisation, ils résistent au libre-échange dès que leurs intérêts nationaux paraissent en jeu : au sein de l'OMC, les négociations sont parfois tendues, la France invoquant par exemple une exception culturelle...
2°) Les individus
Par leur consommation et leurs déplacements touristiques, leur projet de vie dans un autre pays, leur présence sur Internet, les individus sont de plus en plus importants dans le
système-monde Les diasporas constituent aussi à ce titre des acteurs qui composent et
favorisent la mondialisation.
D- Les acteurs qui tentent de réguler la mondialisation
1°) Les instances internationales et régionales
Les organisations internationales voient leur rôle se renforcer avec la mondialisation. Deux
d'entre elles jouent un rôle de premier plan. Le FMI (Fonds monétaire international) facilite l'interdépendance des économies en accordant des prêts internationaux et en réduisant le surendettement des pays. L'OMC permet une coopération multilatérale (environ 150 pays membres actuellement, avec la récente adhésion de la Chine) afin de poursuivre la libéralisation des échanges et de régler les différends entre pays dans tous les secteurs de l'économie, de
l'information, des télécommunications et de la culture.
Les blocs régionaux (UE, ALENA, ASEAN) traduisent le besoin de coopération ressenti par les Etats afin de se protéger et de gérer des intérêts communs. Mais ces blocs ne sont pas
fermés : ils favorisent le dialogue interrégional, par la création d'organisations éclatées (APEC, Coopération économique Asie-Pacifique, créée en 1989) et par l'organisation de sommets (sommet euro-asiatique de Londres en 1998).
2°) Les ONG, des initiatives privées pour relayer l'impuissance ou l'inaction des Etats.
Elles sont actuellement 2000 dans le monde. Elles se caractérisent par leur origine privée, la nature bénévole de leurs activités et le caractère international de leurs objectifs.
Elles ne prétendent pas supplanter les Etats mais pallier leurs carences et influencer leur action. Elles mobilisent l'opinion mondiale sur de grandes causes, comme Greenpeace sur l'environnement, Amnesty International sur les droits de l'homme, la Croix Rouge ce qui leur vaut d'être parfois invitées dans les forums.
II- La mondialisation génère des mobilités, des flux, des réseaux
A- Une mobilité des hommes accrue
La mobilité des hommes reflète les différences de richesse et de développement et les tensions
géopolitiques dans le monde. Elle contribue à la diffusion du mode de vie occidental. Les flux internationaux de travailleurs concernent 120 millions de personnes. Ils ont longtemps relevé d'une logique Sud-Nord. Aujourd'hui, ils deviennent plus complexes : la chute du communisme s'accompagne de flux Est-Ouest en Europe, tandis que le développement de certains pays du Sud attire les travailleurs de pays voisins (ex : de l'Asie du Sud vers les pays producteurs de pétrole du Golfe). L'impact de ces flux est complexe. Les pays de départ perdent une population jeune et dynamique, mais bénéficient de transferts d'argent et voient leur pression démographique baisser. Les pays d'accueil, qui restent majoritairement les pays du Nord, reçoivent une main d'œuvre bon marché, mais ont de plus en plus de mal à intégrer ces populations, soit en raison de leurs particularismes, soit en raison de la crise
économique : Ils imposent donc des limitations, d'où la création de flux clandestins (ex : entre le Mexique et les Etats-Unis), tandis que la remise en cause de l'assimilation gagne du terrain et que le « brain drain » renforce la domination des pays les plus développés.
- Les flux de réfugiés attestent du déficit de démocratie dans de nombreux Etats. Ils concernent plus de 20 millions de personnes qui fuient une dictature ou une guerre civile : on les trouve essentiellement en Afrique (Rwandais, Burundis) et en Asie (Palestiniens, Afghans), mais l'Europe
n'a pas été épargnée lors des conflits qui ont suivi l'éclatement de la Yougoslavie.
- Les flux touristiques (un milliard de personnes en 2012 contre 69 millions en 1960) connaissent une croissance rapide, liée au développement des loisirs dans les pays riches : les principaux foyers d'émission et de réception restent l'Europe et l'Amérique du Nord, mais certains pays pauvres attirent les touristes grâce à leur patrimoine naturel ou culturel (Namibie, Egypte jusqu'en
2011). Le tourisme profite surtout aux pays du Nord, mais il est vital pour certains pays du Sud (80% du PNB des Maldives). Il est cependant une activité fragile, qui peut être plus ou moins durablement remise en question par des catastrophes (tsunami en Asie du Sud-Est en 2004) ou des attentats (Egypte).
Ainsi, aujourd'hui 210 millions de personnes, soit 3% de la population mondiale, résident hors de leur pays de naissance.
B- Des échanges de biens et de services en progression rapide
Depuis 1945, la croissance des échanges dépasse celle de la production, ce qui montre bien l'interdépendance accrue entre les Etats et les économies. Actuellement, les flux internationaux
portent sur 30% de la production mondiale de biens et de services. Ils sont dominés par les pays industrialisés, qui assurent 70% du total. La montée en puissance des firmes multinationales, l'abaissement progressif des droits de douane et la révolution des transports expliquent cette explosion du commerce international, dont la valeur a quintuplé en trente ans : les denrées
alimentaires représentent 14% du total, les matières premières et produits énergétiques 16% et les produits manufacturés, dont la part augmente sans cesse, 70%. Les trois quarts des échanges se font par voie maritime : les flux aboutissent aux grands ports multimodaux, le rail et la route prenant ensuite le relais. Quant aux échanges de services, ils connaissent un essor
aussi spectaculaire : ils correspondent, en valeur, à 25% du commerce de marchandises, contre 14% en 1970. Ces échanges sont dominés par le réseau de la Triade (75%) mais les pays émergents ne cessent d'accroître leur part (20%). Une nouvelle géographie économique du
monde se met donc en place.
La circulation accrue des produits est favorisée par la montée en puissance des FTN et par l'abaissement des droits de douane entre les Etats.
C- L'explosion des flux immatériels
La mondialisation de l'information, via Internet, a été la condition principale de l'expansion de ces flux. Elle a permis, en particulier, une meilleure information sur les différences de coûts entre les pays et donc une circulation plus facile des capitaux et des idées.
Plus encore que le commerce, les flux financiers se sont affranchis des frontières au point qu'aujourd'hui fonctionne un marché unifié des capitaux à l'échelle du monde.
Le mouvement d'investissement à l'étranger a connu une véritable explosion depuis les années 1970. En 2010, les IDE ont dépassé 1 200 milliards de dollars. La moitié de ces flux sont à destination des pays riches. La Chine accueille à elle seule le tiers des investissements pour les pays en développement. En revanche, l'Afrique est encore peu concernée, mais sa part
progresse : elle représente près de 3% des stocks et 4,4% du commerce mondial.
A la fois cause et conséquence de la mondialisation des échanges et des flux financiers, la production n'a cessé d'élargir son assise : en 1900, 10 pays concentraient 95% de la production mondiale. En 2010, les dix premières économies ne comptaient plus que pour 66% et les 30 premières pour 87% du total.
III- Débats et contestations suscitées par la mondialisation
A- La remise en cause du paradigme libéral
Dans la mondialisation libérale, le capitalisme est devenu le système économique
dominant le monde à toutes les échelles, mettant en concurrence lieux et territoires. Trois constats alimentent la remise en cause de la mondialisation libérale :
- La prise de conscience de l'impact de nos modes de production sur l'environnement, dans une planète aux ressources limitées ;
- La paupérisation d'une partie de la population dans les pays riches, comme l'insuffisante prise en compte de populations dans les pays pauvres ;
- La multiplication des crises financières systématiques qui met en péril les fondements de l'économie marchande.
Car le Monde a changé et toutes les conséquences n'en ont pas été mesurées : à l'exception de l'Allemagne, les grands pays développés cumulent déficits commerciaux et déficits publics, sans trouver de solutions durables permettant de résorber les dettes accumulées. L'économie mondiale manque d'une gouvernance internationale qui ait la légitimité et l'autorité nécessaires à l'application de mesures en faveur des victimes de la mondialisation et des générations à venir.
B- Les principaux mouvements contestataires
Depuis une vingtaine d'années, la mondialisation libérale fait l'objet d'une vive contestation :
- L'antimondialisme opposé au capitalisme mondial et à la mondialisation économique dont il dénonce les objectifs et les effets. Il est porté par des groupes contestataires héritiers du socialisme utopique, des anarchistes, marxistes ou libertaires (mai 1968), des mouvements paysans, qui rejoignent les mouvements écologistes et féministes.
- L'altermondialisme conteste l'orientation libérale de la mondialisation et la prééminence des
logiques financières sur les préoccupations sociales, environnementales et de développement. Les altermondialistes veulent encadrer la mondialisation pour faire émerger une économie sociale et solidaire dans une société nouvelle. Encore hétérogène, le mouvement altermondialiste s'affirme pourtant comme une force de proposition et un contre-pouvoir redouté.
Au final, tous critiquent l'aggravation des inégalités de richesse et de pouvoir entre Nord et Sud, entre salariés et actionnaires, le dumping social des multinationales, la « marchandisation
du monde ».
En 1999, ces mouvements font échouer le premier sommet de l'OMC à Seattle. Les
altermondialistes ont tenu leur premier forum social à Porto Alegre au Brésil en 2001, rassemblant plus de 60 000 participants (ONG, syndicats, associations) issus de 123 pays. La « nébuleuse altermondialiste » propose de multiples idées nouvelles mais ont du mal à construire un discours
et un projet uniques au système libéral. Ils ne sont d'accord que sur une seule chose : « un autre Monde est possible ».
Depuis 2011, partis d'Espagne où le chômage des jeunes atteint plus de 30%, les « indignés » sont une forme nouvelle de la contestation de la mondialisation libérale, qui rassemble des populations jeunes et paupérisées des vieux pays riches.
C- Nouveaux discours pour un autre Monde
La justice économique et l'accès au capital : microcrédit (lancé par le Bangladais Muhammad Yunus en 1976 pour les populations les plus pauvres (190 millions de personnes concernées dans le monde), épargne solidaire, commerce équitable (Max Haevelar ; partenariat entre industriels et distributeurs du Nord et petits producteurs des Suds ; 5% du thé et 20% du café vendus en GB en sont issus) sont autant d'initiatives pour lesquelles la solidarité prend le pas sur la recherche du
profit. L'idée ancienne d'une taxation des transactions financières pour entraver les spéculations à court terme (Taxe Tobin) progresse.
Le respect de l'environnement : la nécessité d'un développement durable constitue désormais un impératif largement partagé. La lutte contre les OGM unit beaucoup d'altermondialistes,
certains prônent même la décroissance, afin de réduire les besoins pesant sur la planète.
Depuis le début du XXIè siècle, deux idées nouvelles connaissent un succès croissant :
- La démondialisation prône une nouvelle organisation de l'économie mondiale, fondée sur la prise en compte réaliste de l'augmentation des interdépendances de toutes natures, elle poursuit l'objectif de les soustraire à la domination de la globalisation financière et de limiter
le libre-échange ;
- La notion de « bien public mondial » est née de la nécessité d'aborder plus largement certaines questions environnementales (qualité de l'air, pollution des océans) ; elle a ensuite été élargie au maintien de la paix dans le monde ou à la stabilisation des marchés financiers.
>>> Conclusion
La mondialisation est donc un processus ancien, complexe et inévitable. Les progrès techniques et technologiques, conjugués à la volonté des hommes d'échanger, de communiquer en sont à l'origine. Si des dérives existent, la mondialisation est et accompagne le progrès. Les
inégalités qu'elle engendre nécessitent de mieux la contrôler par le biais d'une gouvernance mondiale, capable de s'imposer face aux puissants acteurs économiques et politiques.